Sophie Jankowski, une ambassadrice du In qui fait le Mur… à fleurs made in Seine-Saint-Denis

Développer la filière de la fleur produite en Seine-Saint-Denis tout en s'inscrivant dans le renouveau et la préservation du site classé des Murs à Pêches à Montreuil, c’est toute l’ambition de cette récente cinquantenaire qui renoue pour l’occasion avec ses racines montreuilloises. Portrait.

 

« Allez, allez, c’est l’heure, on accélère. Le collège vous attend… Un collège sans élèves, c’est comme une fleur sans pétales », lâche sous son masque le surveillant du Collège Cesaria-Evora à Montreuil alors que pointe la dernière après-midi de cours de la semaine. Sur ces bonnes paroles, on laisse les collégiens montreuillois faire fleurir leur savoir et on se rend juste en face sur le terrain des Murs à Fleurs, une « ferme florale près de chez vous » selon l’expression de sa créatrice Sophie Jankowski. Un portail de bric et de broc nous donne accès à un terrain de 7000 m2, infime partie du site des Murs à Pêches de Montreuil. Une culture qui a fait la renommée et la richesse de la ville lorsque à partir d’une XVIIe siècle, les producteurs locaux ont entrepris de faire pousser des pêchers sur des murs, qui les abritaient du vent et surtout accumulaient une chaleur bienfaitrice. Tant et si bien qu’à à la fin du XIXe siècle, à la belle et grande époque de l’horticulture montreuilloise, les murs à pêches couvraient les deux tiers de la ville… Aujourd’hui, il en reste une trentaine d’hectares et quelques vestiges sur les 7000 m2 de terrain où nous accueille donc Sophie Jankowski, notre hôte des Murs à Fleurs. En 2019, elle a été l’une des lauréates de 3e saison de Parisculteurs, un programme à travers lequel la Ville de Paris accompagne « les propriétaires fonciers pour qu’ils accueillent des porteurs de projet d’agriculture urbaine sur leurs toits, leurs terrasses, dans leurs parkings, au pied de leurs immeubles ». Et voilà donc cette mère de famille qui découvre cette même année 2019 ce terrain réunissant deux parcelles appartenant à la ville de Montreuil et au Département de la Seine-Saint-Denis. Presque un retour aux sources puisque dit-elle dans un large sourire, je suis « une Parisienne née dans le 93 et même à Montreuil ! »

Prendre les scooters par les cornes…

Mais c’est au cours de sa première carrière qu’elle met un et même deux pieds dans la terre en créant au sein de la Poste la communauté Facteur Graine qui investit en 2016 l’une des premières saisons des Parisculteurs en installant une ferme urbaine sur le toit du centre de tri de la Poste à la Porte de la Chapelle. « J’avais toujours vu mes grands-parents cultiver la terre dans leur jardin de l’arrière-pays de Grasse mais ça ne m’intéressait pas, raconte la cinquantenaire. Moi, j’étais une urbaine qui a grandi dans le 11e arrondissement de Paris. Mais, à la quarantaine, j’ai commencé à m’investir pour construire un potager dans l’école de mes enfants et en 2015, j’ai vraiment ressenti ce besoin de m’investir dans le domaine de la permaculture en faisant monter d’anciens postiers sur un toit d’un établissement de La Poste. Beaucoup étaient passionnés de jardinage et en leur donnant la possibilité de cultiver la terre, c’était à la fois un moyen de s’engager dans la transition écologique tout en leur permettant de consommer leurs fruits et légumes en devenant des jardiniers-retraités heureux. »

Une manière également pour Sophie Jankowski d’apprendre les rudiments de l’agriculture urbaine en accéléré : « Finalement, je me reconnecte avec ce que j’avais appris dans le jardin de mes grands-parents comme je me reconnecte aussi avec ma nature humaine », résume-t-elle.

Bref, la nouvelle vie de Sophie Jankowski, tout juste cinquantenaire en 2020, est bien en germe, prête à tracer son nouveau sillon à Montreuil. Même si ce qu’elle découvre la laisse d’abord un peu effarée : « Après le départ de Michel Dufour, le dernier horticulteur du coin, le terrain est resté pendant 5 ou 6 ans à l’abandon et il était devenu une décharge à ciel ouvert, avec une montagne de scooters abandonnés et des cailloux, énormément de cailloux. Mais, l’hiver dernier, avec l’aide des services du Département et de la ville de Montreuil, on a fini par tout nettoyer et redonner un premier visage à ce lieu. » …Et permis à des premiers vers de terre de pointer leurs anneaux du côté du site montreuillois.  «C’est le signe que la vie revient ici », analyse Sophie Jankowski, même s’il y aura encore un peu de temps et d’énergie à déployer pour nettoyer en profondeur les sols. »

Des projets avec les collégiens de Seine-Saint-Denis

Avant cela, le Covid-19 a sérieusement bousculé l’agenda prévisionnel de la renaissance des lieux. Lorsque le 13 mars, le confinement hexagonal est décidé, il faut encore réaliser les semis, préparer la terre pour les accueillir. « On devait notamment travailler avec des lycées d’horticulture mais on s’est finalement retrouvées… à deux », raconte Sophie Jankowski. Et puis, peu à peu, une chaîne de solidarité s’est formée avec des voisins, des amis. » Si bien qu’en ce mois de septembre, les zinnias, les statices, les carottes sauvages, les dahlias ou les tournesols colorent ce coin de ville. Prêts à abonder le pari d’une « ferme florale aux portes de Paris où pousseront des fleurs de saison, ce qui nous permettra de ne pas aller chercher à l’autre bout du monde ce qui peut pousser à nos pieds, et avec des méthodes douces et naturelles. »

A côté de cette activité, Sophie, la « fermière-fleuriste » de Montreuil fourmille de projets pour la saison d’hiver lorsque la terre restera en jachère entre installation d’une scène de théâtre, ateliers d’éducation à l’environnement avec les collèges et lycées de Montreuil ou de Seine-Saint-Denis. Les architectes de l’association « Les Pierres de Montreuil » interviendront aussi à terme pour redonner vie aux vestiges des murs à pêches qui pointent sous un océan de ronces et d’herbes folles.

« Ce projet d’agriculture en ville qu’on construit avec la Seine-Saint-Denis et la ville de Montreuil, conclut Sophie Jankowski, c’est à la fois une manière de retisser des liens distendus ou coupés avec son environnement, de faire vivre une économie locale en respectant les saisons et la nature, mais aussi de faire se rencontrer les gens, qu’ils se parlent… »

Et, autant le faire et le dire avec des fleurs…

Frédéric Haxo

Crédits photo: Bruno Lévy

 


La République des fleurs

Poussées et récoltées à Montreuil, les bouquets composés à la demande par Sophie Jankowski sont ensuite vendus en ligne ou bien en fin de semaine sur un kiosque de la place de la République à Paris (1). Une manière de se faire une petite place au milieu de la domination florissante des Pays-Bas qui fournissent plus de 80 % des fleurs coupées vendues en France. Mais aussi de prouver qu’on peut arrêter d’aller acheter des fleurs qui viennent également par avion du Kenya ou de l’autre bout de la planète. Un pari assumé également depuis 2018 par l’association Halage, autre ambassadeur du In sur un terrain attenant au Parc départemental de l’Ile-Saint-Denis, exploité pendant vingt ans par une entreprise du bâtiment. Avec succès puisque Halage, fournisseur récemment des bouquets des projets lauréats de l’Appel à Agir In Seine-Saint-Denis a déjà réussi à devenir le fournisseur d’une quarantaine de fleuristes du Grand Paris.

(1) Le kiosque se situe 12 place de la République à Paris. Les Jeudis et vendredis de 16 heures à 20 heures, le samedi de 10 heures à 19 heures.

 

 

 

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